Le public du théâtre était partagé,
vendredi soir. Personne ne remettait en cause la qualité intrinsèque de l’affiche. Mais il y avait franchement le clan franco-américain « Moriarty
» et les autres qui ne juraient que par les Norvégiens de « Minor Majority ».
Joli coup double réalisé par le service culturel car il n’est pas toujours évident de remplir une salle
avec des groupes qui ne flirtent guère avec les sommets du hit-parade. Mais le pari a été réussi puisque le parterre de notre bon vieux théâtre – « un lieu rare » dira la chanteuse de Moriarty –
était entièrement occupé, comme pour Ange la semaine dernière.
C’est curieusement le groupe à la discographie la plus musclée (cinq albums) qui a eu l’honneur d’ouvrir le bal. Minor Majority, déjà sept ans d’âge, a su toucher la corde sensible du public. Si la voix profonde de Pål Angelskår flirte avec la mélancolie de Stuart Staples, elle est beaucoup moins
déprimante que celle du leader de Tindersticks. Et puis il y a ces envolées aériennes du guitariste Jon Arild Stieng, portées par une section rythmique de culturistes, sur des morceaux qui s’enfilent comme des perles. On comprend mieux pourquoi Oslo vénère ce quintet d’esthètes...
Dans un tout autre genre, un mélange d’indie folk-rock mâtiné de folklore anglo-saxon qui sent bon la Guinness et le Bourbon, les six de Moriarty n’ont pas traîné dans leur opération séduction. Avec un seul disque dans sa musette (« GeeWhiz But This is a Lonesome Town »), le sextuor surprend par l’utilisation d’instruments curieux. La contrebasse d’abord, que l’on n’avait guère vue depuis les Stray Cats, mais aussi des ustensiles plus rares comme la machine à écrire ou la lessiveuse. La voix de Rosemary Standley est une pure merveille, servie par l’harmonica torride de Thomas Puéchavy. Quant à leur version minimale
de « Enjoy The Silence » emprunt
à Depeche Mode, elle en a bouleversé
plus d’un.