Deux événements majeurs marquent ce nouvel album : la crise sanitaire et un changement dans le groupe. A la suite de la tournée norvégienne de Minor Majority en 2019, Jon Arild Nupen-Stieng a choisi de démissionner. Jon Arild faisait partie du groupe depuis ses débuts en 2001 ; il a fait sept albums et des centaines de concerts avec le groupe.
Ce qu’en dit, Pål Angelskår, auteur-compositeur :
« Quand Jon Arild a arrêté, j’ai dû me demander si je voulais continuer avec le groupe. Pour moi, son jeu de guitare était un élément essentiel de notre son et j’ai eu du mal à imaginer ce que nous pourrions être sans lui. Il m’a fallu beaucoup de temps pour accepter son départ et encore plus de temps pour réaliser qu’après tout un tel changement pouvait ouvrir de nouvelles opportunités. Avec l’acceptation est venu le désir d’écrire à nouveau des chansons »
Le contexte de la pandémie n’a pas permis que les chansons soient travaillées en salle de répétition avec le reste du groupe. Ainsi la plupart des chansons ont été créées et arrangées en duo avec le producteur Roar Nilsen, qui a finalement pris la place de Jon Arild en tant que guitariste.
Roar Nilsen venait de quitter son rôle de bassiste dans The Dogs,, et avait très envie de jouer de la guitare. Il explique :
« Il y a toujours eu une part de moi qui cherchait à jouer plus de guitare. C’est pourquoi j’ai loué le studio de temps de temps. En tant que producteur, je contribue souvent à des enregistrements, mais j’ai joué dans des groupes depuis ma jeunesse et c’est un marqueur d’identité important pour moi.
The Dogs est passé d’un petit groupe minable à deux instruments à quelque chose de beaucoup plus prenant que ce que nous ne l’avions jamais imaginé.
La progression de la pandémie a coïncidé avec mon désir d’aller vers d’autres directions et projets musicaux, et de me concentrer sur d’autres musiques et sur mon véritable instrument, la guitare.
Pål et moi travaillons ensemble depuis longtemps, à la fois sur ses albums solos et avec Minor Majority, et nous avons en commun l’amour de la bonne chanson.
C’était donc un choix très facile pour moi lorsque l’occasion m’a été offerte de travailler plus étroitement sur la musique et avec le groupe, non seulement en tant que producteur et arrangeur, mais aussi en tant que membre permanent, guitariste et contributeur. »
« Les concerts en trio et l’absence de Jon Arild m’ont conduit à porter un regard nouveau sur mon rôle dans le groupe. Mes chœurs, par exemple, sont devenus plus importants qu’avant.
J’ai voulu perpétuer notre son traditionnel et dans le même j’ai trouvé juste et important de trouver une sorte de nouveau point de départ.
C’est une bonne chose d’avoir Roar dans le groupe et je pense que cela a donné de la motivation à tout le monde.
Je suis heureux d’avoir pu participer à la composition, aux arrangements et à la production. »
Le reste du groupe a reçu les projets de chansons avant l’enregistrement en studio. Les propositions musicales ont été partagées numériquement sans les répétitions conjointes qui auraient été faites en temps normal. En ce sens, c’est devenu un processus différent où l’album a été créé avec une interaction numérique et non synchronisée, solutionnant ainsi les difficultés liées à une année exceptionnelle.
Minor Majority nous offre une nouvelle fois un très bon album pop avec des textes et mélodies soignés, et des artistes invités qui relèvent parfaitement l’expression musicale qui a fait la réputation du groupe. La voix de Pål Angelskår, toujours aussi douce et belle, ajoute la touche finale à ces chansons. Nous retiendrons en particulier The Singer, chanson fragile dans un paysage sonore charmant et dépouillé qui convient très bien à la voix de Pål, et l’accrocheuse Julia Jacklin’s Voice dans laquelle Pål et Karen brillent par leur grande interaction musicale. Enfin, nous mentionnerons Polaroids & Power Chords qui est peut-être le petit bijou de l’album. Belle et fragile chanson qui touche – c’est ABSOLUMENT magnifique ! Le talent d’interprétation et la voix de Pål Angelskår y sont vraiment parfaits.
Un peu plus sur le groupe :
Avec des chansons comme Dancing in the Backyard, Come Back to Me, (In That) Premature Way, et surtout Supergirl, Minor Majority a largement contribué à définir la première décennie musicale du nouveau millénaire en Norvège. Après avoir annoncé une pause en 2010, le groupe a fait un retour en live en 2014 et n’a jamais cessé de donner des concerts depuis. En 2019, il a fait un retour en album avec Napkin Poetry qui comprenait Another Year, grand succès des plateformes de streaming, et la chanson signature I’ve Been Here Before You.
Minor Majority a fait ses débuts en 2001, avec l’album Walking Home From Nicole’s et a sorti sept albums, tous acclamés par la critique. En 2006, ils remportent le Prix Spellemann dans la catégorie « meilleur groupe pop » pour l’album Reasons to Hang Around. Le groupe a joué plus de 700 concerts et a fait des tournées dans toute l’Europe. Ils ont un large public en France et en Allemagne.
Minor Majority :
Pål Angelskår : chant, guitare acoustique
Henrik Harr Widerøe : basse, choeurs, banjo, flûte traversière
Roar Nilsen : guitare
Harald Sommerstad : piano
Halvor Høgh Winsnes : batterie et percussions
Invités sur l’album :
Martin Nordahl Andersen : guitare acoustique – It Doesn’t Matter, It’s Ok
Kristine Marie Asvang : chant – It Doesn’t Matter It’s Ok, Should Have Been Easy, Clouds Let Them Come, Rain Let it Fall, Hey Sister
Karen Jo Fields : chant – (Looking for) Truth in the Vocal Booth, Julia Jacklin’s Voice
André Orvik : violon – Should Have Been Easy, Hey Sister
Vegard Johnsen : violon – Should Have Been Easy, Hey Sister
Jon Wien Sønstebo : alto – Should Have Been Easy, Hey Sister
Hans Josef Groh : violoncelle – Should Have Been Easy, Hey Sister
Geir Sundstøl : Pedal Steel – Julia Jacklin’s Voice
Karl-Joakim Wisløff : orgue – Hey Sister.
Nous avons discuté avec Pål, entre autres, du nouvel album et des projets pour l’avenir
Félicitations pour votre huitième album The Universe Would Have to Adjust et aussi pour votre 20ème anniversaire. Pouvez-vous nous parler un peu du processus d’enregistrement de l’album étant donné qu’il a été enregistré pendant la pandémie ?
Merci. Lorsque la pandémie a rendu impossible une tournée au printemps 2020, nous avons rapidement commencé à nous concentrer sur l’écriture de chansons. Roar Nilsen (guitariste) et moi avons passé quelques jours chaque semaine à écrire et à arranger de nouvelles chansons. Dès que la structure d’une chanson était en place, nous avons trouvé une rythmique et avons enregistré les lignes de guitare et la voix principale. Ensuite nous avons envoyé les démos au reste du groupe qui a alors fait ses suggestions. Une fois la chanson terminée, chaque musicien est allé en studio et a enregistré sa partie. Il n’y a que pour les plus grandes chansons de groupe que nous avons enregistré toute la maquette (guitare, basse, batterie) en même temps. Sur certaines chansons, nous avons choisi de conserver la tension acoustique des enregistrements de la démo simplement parce qu’elle sonnait fraîche et intuitive.
En quoi consiste ce disque et que voulez-vous transmettre à travers lui ?
Nous n’écrivons jamais d’album conceptuel. Chaque chanson a son propre univers. Donc ce disque en tant que tel ne représente pas une seule chose. Pour les textes, j’essaie de capturer des moments qui ont un certain drame en eux, une rupture, un masque qui tombe – des moments qui laissent des traces. Ces moments ont souvent à voir avec le couple, mais pas nécessairement entre deux amants présents ou passés. Cela peut tout aussi bien concerner des parents et des enfants, ou quelque chose d’aussi simple que deux vieux amis qui ne font plus les choses correctement. La dynamique de l’amitié est quelque chose qui m’intéresse et sur laquelle je trouve qu’il est passionnant d’écrire. Ainsi au sein d’un groupe, qu’arrive-t-il à l’équilibre du groupe quand un des membres choisit d’arrêter ? Ou quand quelqu’un a plus d’espace qu’un autre ?
Le guitariste Jon Arild Stieng a quitté le groupe. Comment cela a-t-il affecté la dynamique du groupe ?
Au début, il me semblait inutile de continuer. Jon et moi travaillons ensemble depuis 20 ans et nous nous connaissons extrêmement bien à la fois en tant que personnes et en tant que musiciens. Il a un style très particulier qui s’intègre bien à notre paysage sonore, et au début j’ai eu du mal à imaginer le groupe sans lui. Pour moi, en tant qu’auteur-compositeur, il est comme une sorte d’assurance qualité : si Jon donne son feu vert pour une chanson, alors tout va bien, en quelque sorte.
Ces dernières années, cependant, il a eu moins de temps et donc s’est également moins impliqué dans le processus d’écriture. Je pense juste qu’il s’y est moins intéressé à partir du moment où il a manqué de temps, et même si personnellement je trouve cela dommage, je le comprends bien. Jouer dans un groupe demande du temps et d’en tirer un bénéfice. Si vous commencez à redouter les répétitions ou les tournées, alors vous devez trouver un autre centre d’intérêt. Jon est le meilleur gars du monde et un guitariste brillant, mais je préfère jouer avec quelqu’un qui a de l’enthousiasme et l’envie de s’exprimer plutôt que quelqu’un qui peine à trouver la motivation pour continuer.
Roar Nilsen, qui a succédé à Jon, a envie de faire des chansons, de partir en tournée et il me challenge sur mon écriture. De plus, c’est un excellent guitariste et arrangeur, qui a une autre idée de ce qui fait qu’une chanson est bonne. Ce sont toutes des qualités dont moi et le reste du groupe avons besoin après vingt ans avec la même équipe.
A quoi avez-vous pensé pour construire l’ambiance sonore de cet album ?
Le processus d’enregistrement lui-même a probablement rendu cet album plus dépouillé que les deux précédents – c’est une très bonne chose. Si une chanson tient debout sans une charpente solide, cela signifie que c’est une bonne chanson. C’est très facile de commencer à « boucher les trous » lors de la production d’un album, mais ce n’est que lorsque vous commencez à supprimer des choses que vous entendez si les chansons tiennent la route.
Quelques artistes invités ont également apporté leur contribution à cet album. Pouvez-vous m’en dire un peu plus à ce sujet ?
Karen et Geir, nous avions déjà travaillé avec eux. Nous les connaissons bien tous les deux et nous savions, au moins dans une certaine mesure, comment nous voulions les utiliser.
Kristine Marie, en revanche, était une nouvelle connaissance. Je l’ai vue en concert avec The Secret Sound Of Dreamwalkers et j’ai adoré sa voix. Quand elle est venue au studio, nous n’avions pas vraiment fixé de lignes directrices. J’étais très intéressé d’entendre ce que quelqu’un avec ses capacités vocales pouvait apporter aux chansons. Elle a dû rester au studio environ 3 heures et elle a posé sa voix sur quatre chansons complètement différentes. C’était amusant et rafraîchissant et c’est une contribution vraiment très importante à l’album.
Oslo Session String, qui a participé à deux chansons, était aussi une nouvelle connaissance. Ils ont été extrêmement professionnels et performants, et subliment les chansons sur lesquelles ils jouent.
Avec quelles chansons de l’album avez-vous une relation particulière ?
D’une manière générale, j’aime les chansons sur lesquelles nous obtenons quelque chose que nous n’avons jamais fait auparavant. (Looking for) Truth in the Vocal Booth est une chanson pop puissante qui ressemble à ce que j’ai moi-même beaucoup écouté, mais que je n’ai que rarement écrit. Elle a été co-écrite avec Roar, et je pense que c’est une réussite aussi bien en tant que chanson qu’au niveau de l’enregistrement, en grande partie grâce à Halvor qui joue une batterie incroyablement forte. J’aime aussi que le texte soit un peu naïf et truffé de références. Cela montre une facette de nous qui arrive rarement. Should Have Been Easy est aussi une de mes préférées. Ici je pense que la mélodie, la ligne de guitare et les arrangements de cordes fonctionnent très bien ensemble. Le texte fait référence à certaines des questions que je me suis posées lorsque Jon a arrêté. Pourquoi a-t-il démissionné ? Est-ce à cause de quelque chose que nous avons fait, ou voulait-il simplement faire autre chose ? Que devient le groupe maintenant ? Des choses comme cela. Enfin, je veux mentionner Cloud Let Them Come, Rain Let It Fall qui est une belle chanson de groupe, qui met en avant le groupe Minor Majority.
Quel est selon vous la particularité de l’univers musical de Minor Majority, et d’où vient le nom du groupe ?
Sur la particularité de notre univers musical, je pense presque que c’est plus à un auditeur de répondre. Il est très rare que ce qu’un groupe pense de lui-même corresponde avec ce que pense le monde extérieur. Le nom du groupe vient d’une démo que j’ai faite quand j’ai quitté l’armée à vingt ans. J’ai utilisé ma solde pour enregistrer cinq chansons dans un studio professionnel et j’ai appelé le projet Minor Majority. Je ne me souviens plus pourquoi.
Comment te décrirais-tu (Pål) et qu’aimes-tu faire de ton temps libre ?
Je vais laisser Roar répondre à cette question.
Roar : Je connais Pål depuis plus de 10 ans maintenant. Nous avons beaucoup travaillé ensemble dans des contextes différents. Nous avons beaucoup voyagé ensemble et nous avons passé beaucoup de temps ensemble pour bien nous connaître. Donc je devrais pouvoir émettre une opinion justifiée.
Pål est un bourreau de travail, réfléchi, attentionné, un gars ouvert et sociable, avec une spécialisation en jonglerie dans l’éducation des enfants, axé sur la vie de famille et les amis. Pål adore la musique. Il est curieux et souvent plus ouvert que je ne le pensais au départ. Et je me demande s’il préfère suivre les principes ou les briser.
Pål est extrêmement attentif aux paroles et toujours à la recherche de la bonne chanson. C’est facile de travailler avec lui : il a une voix et une volonté claires ; il est obstiné et peut être ferme mais il est aussi toujours prêt à discuter, à faire des compromis et il a le sens de la justice. Et puis il a une sacrée bonne voix et un très bon sens de l’interprétation du texte. J’aime aussi sa volonté de tenter des choses pendant les concerts, de jouer une chanson inachevée ou très rarement jouée pour voir si elle touche une corde sensible. Il est aussi extrêmement distrait, optimiste, avide de jogging et irrémédiablement accro au snus.
Pouvez-vous nous parler un peu de l’une de vos meilleures expériences parmi vos performances en concert ?
Nous avons joué plus de 700 concerts, donc c’est difficile de choisir. Le week-end dernier nous avons joué à Trondheim et Bergen pour un public restreint à 100 personnes en raison de la pandémie. C’était notre premier concert de groupe depuis deux ans. C’était étrange mais merveilleux. Cela nous a beaucoup manqué.
Avez-vous des modèles musicaux ou des sources d’inspiration ?
Il y en a tellement que je ne sais pas trop par où commencer, mais Elliott Smith et Leonard Cohen m’ont toujours accompagné, et je ne me lasse pas de leurs albums.
Elliott Smith parce qu’il a une voix unique dans le monde de la musique : un peu punk, un peu Mc Cartney, un peu Paul Simon. Ses trois premiers albums en particulier sont un mélange irrésistible d’écriture brillante et d’arrangements astucieux dans un style fait maison.
Leonard Cohen parce qu’il est une sorte de « Yoda de la musique pop » (citation : Morten Ståle Nilsen) – un gars si sage et spirituel qui vous aide à voir les grandes connexions : la relation entre l’homme et la femme, l’homme et Dieu, le chanteur et les chansons. Miraculeusement, le dernier album qu’il a sorti avant sa mort (You Want it Darker) est peut-être le meilleur disque qu’il ait jamais fait. Les textes sont d’un autre monde.
Récemment, des artistes féminines comme Aldous Harding et Julia Jacklin m’ont fait forte impression. Harding en tant qu’auteur-compositeur et chanteuse, Jacklin en tant que parolière.
Il y a beaucoup de bonne musique norvégienne de nos jours – qu’aimez-vous écouter en ce moment ?
Dernièrement j’ai écouté les derniers albums de Valkyrien Allstars et Frøkedals. De très bons enregistrements tous les deux. Frøkedal est une de mes favorites depuis longtemps et ne cesse de progresser. Les Valkyrien Allstars, je les ai découverts avec leur dernier album en réalité. C’est un super groupe avec de très bons textes.
Quelle est la chose la plus folle ou la plus spéciale que vous ayez vécue jusqu’à présent en tant que groupe ?
Le plus fou avec ce groupe c’est qu’il existe toujours vingt ans après nos débuts. Je pense qu’aucun d’entre nous n’avait imaginé cela.
Si vous pouviez travailler avec un musicien norvégien, mort ou vivant, qui choisiriez-vous ?
Un arrangement de cordes d’Edvard Grieg et un solo de guitare de Marius Müller auraient pu être sympas dans une chanson de Minor Majority.
Comment s’est passée la période Coronavirus / Covid19 pour vous et quels sont vos projets musicaux pour 2021 ?
Le covid et le confinement nous ont permis de produire encore plus de musique, d’écrire plus et d’intensifier la production et globalement notre activité. Nous avons tourné en duo ou en trio tout au long de l’automne et de l’hiver 2020 jusqu’à ce que tout s’arrête brusquement. Malgré cela, nous avons essayé de transformer cette période en quelque chose de positif. Roar et moi nous sommes rencontrés régulièrement pour écrire des chansons, discuter de musique, faire des projets d’avenir et faire des démos. Nous avons essayé de regarder vers l’avenir et de planifier comme si tout allait bientôt redevenir possible. Et nous avons maintenant de quoi alimenter deux albums, des projets de sortie à long terme, et, espérons-le, des concerts cet été, si les circonstances le permettent. Nous prévoyons une tournée au printemps de l’année prochaine, après la sortie du deuxième album du confinement et nous espérons que tout le monde sera au rendez-vous, un peu groggy mais avec une grande envie d’aller à des concerts et des soirées.
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Traduction de l'article publié par NPS le 26 mai 2021.